L’allègement des trithérapies : des tentatives de longue haleine
Après le formidable renversement de situation apporté aux séropositifs par le succès des premières trithérapies en 1996, la communauté médicale a rapidement conçu que le rétrovirus n’était pas pour autant vaincu : les trithérapies réduisaient la charge virale de façon drastique mais elles n’avaient pas éliminé le virus.
À compter du début des années 2000, grâce aux trithérapies, la séropositivité VIH est donc devenue un état chronique de longue durée. Et, comme en retour des effets indésirables des médications d’une part, du martèlement des prises ininterrompues d’antiviraux 7 jours sur 7 d’autre part, nombre de patients ont commencé à « alléger » voire interrompre leur traitement.
Quelques jalons historiques sur les essais d’allègement
L’ANRS a très tôt pris en compte le problème de la lourdeur des effets iatrogènes puisque les tous premiers essais d’allègement ont été tentés en 1997-98 avec l’essai TRILEGE-ANRS072, comparant l’efficacité de deux bithérapies avec celle de la trithérapie, celle-ci confirmée au final comme seule acceptablement efficace.
Les problèmes inhérents à la prise continue, à vie, de médicaments affectant le métabolisme ont été soulevés dès 2001-2003 avec l’essai WINDOW-ANRS106 testant la possibilité d’une intermittence médicamenteuse longue au rythme de 8 semaines sous traitement suivies de 8 semaines sans. Ces intermittences longues dont le but affiché était de limiter de 50 % l’exposition aux médicaments et d’en diminuer les coûts d’autant, s’est révélée une impasse suite aux rebonds systématiques de virémie VIH à chaque interruption.
Exit alors, et pendant des années, l’idée même d’intermittence médicamenteuse. Jusqu’à ce que, fort de ses explorations pilotes présentées aux sommités de l’ANRS dès 2009, l’équipe de Raymond Poincaré à Garches, avec Jacques Leibowitch et Christian Perronne, parvienne à faire inscrire la stratégie ICCARRE au calendrier des essais ANRS 2014. S’ensuit enfin l’ANRS-4D 162, un essai sur 100 volontaires où fiabilité et efficacité des intermittences façon ICCARRE sont enfin confirmées.
Entretemps, en matière d’allègement des traitements d’entretien, suite à l’échec de WINDOW, l’ANRS va resserrer sa stratégie en se concentrant sur les monothérapies par antiprotéases 7 jours sur 7, avant de tester tout récemment une nouvelle bithérapie en mode continu. Après nombre de tentatives coûteuses, la monothérapie par antiprotéase s’est vue réfutée.
Ainsi, toutes les stratégies d’allègement thérapeutique ne se valent pas et l’explication réside dans l’examen des dynamiques de multiplication du VIH en fonction de son environnement physiologique (avec ou sans traitement antiviral, et selon les combinaisons antivirales). Pour en savoir plus, se référer à la Rubrique « Pourquoi la biologie du VIH permet l’intermittence »
(https://www.iccarre.net/la-biologie-du-vih/).
L’allègement des traitements d’entretien et leur généralisation à moyen terme supposent un changement réglementaire des prescriptions anti-VIH. Dans ce cadre, la stratégie intermittences en cycles courts issue du protocole ICCARRE se présente comme la plus prometteuse, car la plus avancée. L’ANRS vient de s’y réengager massivement avec l’essai ANRS 170 QUATUOR qui recrutera depuis 65 centres hospitaliers de France et des Caraïbes (la quasi-totalité des centres publics d’infectiologie hospitalière) 640 volontaires à compter de l’automne 2017.
Dans une interview parue dans le numéro 100 de la revue Remaides, Le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS de 2005 à février 2017, éclaire sur son choix d’engager en 2014 des essais cliniques d’allègement par intermittence inspirés du protocole ICCARRE: « Il y avait un signal fort et nous ne l'avons pas suffisamment entendu. Cette expérience m'a d’ailleurs servi de leçon lorsque le Dr Leibowitch a proposé son projet de traitement 4 jours sur 7. Il y a des personnalités parfois extrêmes. C'est bien qu'elles existent car elles interpellent les acteurs plus "classiques", et il faut savoir les entendre. C'est pour ça que j'ai poussé, au sein de l'agence, à l'essai 4D … »
(édition anniversaire du 29/08/2017, p47).
http://www.aides.org/sites/default/files/Aides/bloc_telechargement/BD_remaides_100_france.pdf
Pour connaître les essais cliniques menés par l’ANRS depuis sa création, on pourra se référer à leur site (http://www.anrs.fr/fr/vih-sida/recherche-clinique/histoire).
1 — ICCARRE Intermittents, en Cycles Courts les Anti Rétroviraux Restent Efficaces
2 — Pierre de Truchis, Conférence IAS Durban, juillet 2016 ; et al in press Journal of Antimicrobial Chemotherapy2017).
3 — MOBIDIP Essai ANRS 12 286, en collaboration Nord-Sud. Boosted protease inhibitor monotherapy versus boosted protease inhibitor plus lamivudine dual therapy as second-line maintenance treatment for HIV-1-infected patients in sub-Saharan Africa (ANRS12 286/MOBIDIP): a multicentre, randomised, parallel, open-label, superiority trial. Ciaffi L1, Koulla-Shiro S2, Sawadogo AB3, et al. Lancet HIV. 2017 Sep;4(9): Results indicated that boosted protease inhibitor monotherapy cannot be recommended for these patients.